40 ans après la guerre civile qui a divisé le Tchad, le clivage entre musulmans et chrétiens est toujours présent. Pour panser ces plaies, la jeune génération essaie de changer les mentalités.
Publié par Deutsche Welle le 14 janvier 2021.
Scène de rue non loin de la la grande mosquée de N'Djamena. (Getty Images/AFP/P. Desmazes)
Le soleil est au zénith dans le jardin de Koundoul, une ville située à près de 25 kilomètres de N'Djamena. Un temps idéal pour un groupe de 50 jeunes venus se détendre.
Parmi eux, Jonas, un jeune chrétien habillé dans une tenue traditionnelle. Pour lui, ce moment d'échange permet d'oublier les tensions sociales en cours dans la capitale.
‘’Nous sommes ici pour un brassage entre jeunes. L’objectif de cette rencontre c’est de profiter de l’occasion pour discuter de la question du vivre ensemble entre chrétiens et musulmans. Parce que jusque- là, il y a des chrétiens et musulmans qui ne s’entendent pas au Tchad. C’est pourquoi, on s’est dit pourquoi ne pas initier et multiplier de telles rencontres pour cultiver le vivre-ensemble entre jeunes ? Nous voulons un Tchad dans lequel règne la paix et la tolérance. Et cela ne peut être possible que par le dialogue.’’
Mariam Zenaba, assise à côté de Jonas, en est à sa quatrième participation. Ce qui plait à la jeune femme musulmane de 27 ans, ce sont les débats qui animent ces rencontres.
‘’Nous avons appris beaucoup de choses ce soir, notamment…le vivre-ensemble, la tolérance, l’amour du prochain etc… C’est un moment très instructif. Je pense que 40 ans après, les erreurs de nos aînés doivent êtres classées dans les oubliettes. Nous devons nous accepter malgré nos différences religieuses. Je suis musulmane, mais j’ai plein d’amies chrétiennes. Il faut que ces idées rétrogrades s’arrêtent, nous avons actuellement besoin de la paix pour le développement de notre pays.’’
La paix, une obsession pour ces jeunes
Des jeunes qui n'ont pas connu la guerre civile qu'a traversé le Tchad en 1979 causant la mort de près de 5 000 personnes. Mais 40 ans après, ils ressentent encore le clivage entre chrétiens et musulmans.
Pour Fortunat Allatara, membre de la plate-forme religieuse interconfessionnelle du Tchad, la jeune génération doit multiplier ce genre de rencontres.
‘’Ces jeunes on a eu à travailler avec eux sur plusieurs domaines et je crois que ce sont des initiatives vraiment à encourager. Le vivre-ensemble et la cohabitation pacifique sont essentiels pour promouvoir la paix. Par exemple aujourd’hui, nous arrivons à rassembler les étudiants de l’université Roi Fayçal (arabe) et ceux des universités francophones. Chose qui ne se faisait pas avant. Les jeunes des universités francophones ont peur par exemple de franchir les portes de l’université Roi Fayçal par ce qu’ils pensent que c’est un lieu qui est réservé uniquement aux musulmans et aux arabophones. Mais, avec les activités qu’on a réalisées, on a pu briser cette barrière qui, en réalité est un préjugé."
Du côté des responsables religieux, seule cette nouvelle génération pourra faire oublier les rancœurs du passé.
‘’Ces jeunes chrétiens, musulmans tchadiens qui veulent s’engager à écrire une page nouvelle de l’histoire de notre pays, nous devrions être plus attentifs, les encourager à ne pas commettre les erreurs que nous avons commises hier en nous regardant comme des ennemis. Alors que nous sommes appelés à former une seule et même nation et à transformer cette terre en un pays de paix, de bonheur comme nous l’a écrit notre grand écrivain Joseph Brahim Seid (écrivain tchadien)‘’, explique Monseigneur Edmond Djitangar, Archevêque Métropolitain de N’Djamena.
Un avis que partage, Cheik Abdouldaim Abdallah, Vice-président du Conseil supérieur des affaires islamiques du Tchad.
‘’La cohabitation pacifique entre musulmans et chrétiens demeure un sujet de préoccupation jusque-là. Sans cohabitation pacifique entre les enfants d’un pays, il n’ y a pas la paix. Nous en tant que musulmans, l’islam nous recommande de cohabiter avec les autres.’’
Pour encourager le vivre ensemble, une journée de Paix est célébrée depuis 2001 au Tchad, le 28 novembre, date de la proclamation de la République. Tout un symbole pour panser des plaies de la société tchadienne.
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