Version originale publiée le 3 septembre 2021.
Version traduite publiée le 13 décembre 2021.
Des Banyamulenge aux funérailles d'un pasteur tué par une milice. (ALEXIS HUGUET/AFP via Getty Images)
Malgré la présence d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies (ONU), surnommée la MONUSCO, au moins 120 groupes armés restent actifs en République Démocratique du Congo (RDC) dû à un manque de gouvernance efficace. L’élection du Président Félix Tshisekedi en 2019 a suscité un espoir de changement étant donné son soutien exprimé pour la communauté vulnérable des Banyamulenge. Cependant, il n’a pas encore arrêté la violence qui empire contre le groupe.
Les Banyamulenge sont persécutés comme une population « indésirable » depuis l’ère coloniale, et leurs assaillants citent des interprétations erronées de l’histoire pour justifier leur génocide. Ils sont liés aux Tutsi du Rwanda et du Burundi, et ils habitaient le Sud-Kivu en RDC avant le début du colonialisme en 1885. L’Empire colonial belge a démantelé leurs chefferies parce qu’ils ont résisté au régime colonial. Les colonisateurs ont propagé « l’hypothèse hamitique » de Speke, selon laquelle les pasteurs Tutsi étaient des « envahisseurs » Nilotiques, alors que les fermiers Bantous étaient les « indigènes » de la région des Grands Lacs. Ce même mythe de fondation est devenu l’idéologie qui a causé le génocide au Rwanda et au Burundi.
Cette persécution a continué après l’indépendance du Congo en 1960. En 1981, le gouvernement sous Mobutu a révoqué leur citoyenneté. Dès 1996, ils ont été victimes d’expulsion et de massacres. Pendant les guerres du Congo (1996-2003), le Rwanda a envahi le Congo (alors nommé le Zaïre) pour renverser Mobutu et mettre un terme aux attaques des Hutu Rwandais en exil. Initialement, les Banyamulenge se sont alliés avec le Rwanda et avec d’autres Rwandophones (des groupes d’origine ethnique Rwandaise). Depuis les guerres, les Banyamulenge s’opposent aux rébellions supportées par le Rwanda, mais tous les Rwandophones sont devenus associés collectivement aux invasions. Bien qu’une loi de 2004 ait accordé la nationalité aux groupes qui habitaient le Congo en 1960, la représentation politique dans un territoire ancestral reste essentielle pour l’acceptance locale des droits à la citoyenneté. Des milices Maï-Maï « indigènes » continuent d’attaquer les Banyamulenge.
Depuis 2017, les Banyamulenge sont systématiquement visés par une coalition croissante de Maï-Maï Banyindu, Bafuliro, et Babembe, de rebelles Burundises, et de groupes appelés Biloze Bishambuke, ce qui se traduit comme « Si nous devons détruire, détruisons ». Selon les estimations de sources locales et d’universitaires, les Maï-Maï ont brûlé des centaines de villages, volé des milliers de vaches, tué des centaines de personnes, et assiégé des milliers de Banyamulenge déplacés à Minembwe. Le bétail est essentiel pour les moyens de subsistance du groupe. Les Maï-Maï les ont attaqué de multiples directions, les ont soumis à des conditions de vie destructives, et ont commis des atteintes graves à leur intégrité physique et mentale. On rapporte que des soldats de l’armée nationale ont soutenu les Maï-Maï. La MONUSCO, qui souffre de contraintes fiscales et qui s’aligne avec l’armée, est souvent incapable de prévenir les attaques. La violence a empiré en 2021.
Dans une étude du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH), 31% des cas documentés de discours haineux en RDC, de mai à décembre 2020, ont visé les Banyamulenge. Des personnalités politiques et Maï-Maï ont incité à leur « extermination ». En 2020, face à une réaction politique hostile, Tshisekedi a interrompu la création d’une commune à Minembwe, ce qui aurait accordé plus de représentation politique locale aux Banyamulenge. Des figures politiques et religieuses ont appelé Minembwe un « cancer » et ont attisé la peur d’un « complot » Rwandais de « balkaniser » la RDC.
Malgré ses complexités, la représentation de cette situation comme un « conflit intercommunal » camoufle les processus génocidaires que les Banyamulenge endurent. Des groupes d’autodéfense Banyamulenge ont aussi attaqué des civils. De février 2019 à juin 2020, le BCNUDH a rapporté, dans une étude, que 38% des victimes étaient Banyamulenge. Ces derniers font face à l’Etape 9: Extermination et l’Etape 10: Déni des Dix Etapes du Génocide.
Genocide Watch recommande que:
L’Union Européenne (UE) et les autres puissances mondiales reconnaissent le génocide des Banyamulenge et qu’ils aident l’ONU et le gouvernement Congolais pour la prévention de massacres et l’augmentation de l’aide humanitaire.
L’ONU et l’UE mènent une enquête indépendante exposant en détail toute la violence dans la région depuis 2017.
Le gouvernement de la RDC aborde les préjugés et les abus dans l’armée et le discours haineux à un niveau national.
La version originale de ce rapport est accessible ici.